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A l’origine un blog de l’auteur Christophe Macquet, qu’il a effacé après la mise en ligne de ses « récits photographiques », de 2008 à 2010. Séduit par ce travail, j’explore ces récits depuis un blog, Réticule, aujourd’hui effacé lui aussi. Mes billets suivaient ceux de l’auteur, sans concertation ni échanges.
J’ai retrouvé et mis en ligne cette chronique, intitulée De la disparition des récits photographiques de Christophe Macquet.
Effacements, archivages, réapparitions : jeu avec avec l’absence, avec les morts symboliques, avec les traces que l’on veut effacer et qui pourtant réapparaissent. Garde et don, indissolublement liés. Retour des pas perdus, telle la fugace empreinte d’une semelle, anonyme, photographiée sur le cargo en partance pour l’Argentine. L’empreinte est bientôt gagnée par l’eau.

Ces traces sont trouées d’absences : les trouées excèdent même les présences. Dâh, page 195, fait état de 300 récits photographiques, dont les livres I à III ont été détruits. J’ignorais qu’il y en eût tant. De cette destruction subsistent donc cette chronique, le rappel qu’en fait l’auteur dans Dâh, ainsi qu’un livre muet, Anoche hubo una tormenta, paru aux éditions Antares (Arménie) en 2014, en 50 exemplaires numérotés. J’y retrouve quelques photographies connues. Voilà les restes, si l’on est mélancolique. Voici l’œuvre, si l’on accepte (si j’accepte) de jouer le jeu de la totalité perdue, de ce qui se construit et se déconstruit.
Approche, encore, de Dâh : l’auteur a publié de nombreux livres muets, comprendre : sans texte. Enfin, presque : on n’échappe pas au nom, ni au titre. Celui-ci apparaît en majuscules blanches sur fond sombre en alphabet romain, suivi de sa traduction en arménien ; le nom de l’auteur, et sa version arménienne, n’apparaît qu’en dernière page de ce fascicule : retrait de l’auteur, à défaut de son impossible effacement total. Cet amuïssement, dans les 25 livres muets, évoque le poète Michaux qui « pein[t] pour [se] déconditionner » du verbal. Le livre muet, comme dispositif (qui s’appuie sur des photos en diptyques, souvent), paraît résoudre, ponctuellement, l’aporie de la littérature : tout dire, mais en silence, car les mots manquent toujours à dire ; et dire à l’aide des autres signes déplacés que sont les photographies. L’expression « récit photographique », elle aussi, a été effacée avec le blog. Sans doute la référence au texte littéraire était-elle encore trop forte – ou convoquait tout cet outillage conceptuel encombrant qui circonscrit la notion de « récit ». Pour le reste, ce que j’en ai dit est ICI.