Pas de note de lecture, aujourd’hui. Seule la déflagration, renouvelée, de la poésie de Paul Celan. Le recueil Grille de parole (Sprachgitter, 1959) avait tant résonné en moi qu’un manuscrit en cours en garde trace. Je lis, doucement, comme on goûte un alcool fort, Renverse du souffle (Atemwende, 1967). Avec l’absolue certitude (c’est si rare) que cette poésie-là est celle dont j’ai besoin, parce qu’elle est, pour reprendre un mot de Celan, sur mon méridien.
Pourquoi cette certitude ? Sans doute pour l’évidence ressentie à le lire, qui peut se passer d’explication. Mais si je cherchais, un peu, ce que je cache derrière cette évidence ? Mon propre désir de l’essentiel, tellement traqué dans mes lectures, et que certains poètes ont touché. C’est encore l’exacte concordance de ce qui, pour le poète, est vital (est vitale la vie dans, par la poésie – ce n’est pas un truisme, c’est la distance justement ramenée entre l’impossible à dire et le dit), avec ce qui, pour moi, relève de la même nécessité (une conscience aiguë de l’immersion dans les mots).
*
Vor dein spätes Gesicht,
allein-
gängerig zwischen
auch mich verwandelnden Nächten,
kam etwas zu stehn,
das schon einmal bei uns war, un-
berührt von Gedanken.
*
Devant ton visage tardif,
s’aventurant
seul entre
des nuits qui m’ont moi aussi transformé,
quelque chose est venu se tenir et rester,
qui une fois déjà fut chez nous, in-
touché de pensées.
*
Renverse du souffle, Paul Celan
Traduction de Jean-Pierre Lefevbre

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