Aléas

Je n’avais pas imaginé l’ampleur du chantier des Approches de Dâh, quête et enquête personnelle du recueil Dâh, Dans la nuit khmère de Christophe Macquet. Je relis, encore et encore, passe au crible, et traque les coquilles, maladresses et répétitions nées dans l’écriture à flux tendu des Poinçons. J’approche peu à peu de la fin de la relecture, fin qui ne sera pas synchrone avec la lecture publique de Christophe Macquet, le 17 septembre à la Cave Poésie de Toulouse. Peu importe, du reste. La correction est dépassionnée, allégée de la tension qui préside à l’écriture – un objet devenu tiers, étrange et familier à la fois.

Rencontrant ce matin dans la rue des amis à qui j’avais fait lire les Archéologies ferroviaires, j’apprends que le livre va, circule, est lu. Je m’en réjouis, même en l’absence de retour direct des lecteurs.

Envoi à D-Fiction du 5e texte de l’atelier De la littérature comme un art nucléaire. Il sera en ligne début octobre. Les 6e et 7e textes sont prêts – pour une fois que j’ai de l’avance… Ces nouveaux textes ont été l’occasion de lire deux livres passionnants : Un nouvel âge de ténèbres, la technologie et la fin du futur, de James Bridle (New Dark Age, traduit par Benjamin Saltel), chez Allia (2018 et 2022 pour l’édition française). Texte hallucinant dans ce qu’il révèle de notre dépendance à la pensée computationnelle, entre autres choses, qui a noyauté notre rapport au réel et à ce qu’on peut en percevoir (vision justement obscurcie, d’où le mot de “ténèbres” emprunté à Lovecraft dans “L’appel de Cthulhu”, 1926, cité p. 20 du chapitre “Gouffre” par J. Bridle : “Ce qui est, à mon sens, pure miséricorde en ce monde, c’est l’incapacité de l’esprit humain à mettre en corrélation tout ce qu’il renferme. Nous vivons sur une île de placide ignorance, au sein de noirs océans de l’infini, et nous n’avons pas été destinés à de longs voyages.” Le livre de Bridle est remarquablement documenté, et tout aussi bien traduit. Un régal, effrayant pourtant dans ce que l’on y apprend. Je relis notre incapacité à tout saisir à la notion d'”hyperobjet” forgée par un un autre Britannique, Timothy Morton, dans La pensée écologique (2010, et 2021 chez Zulma Essais, trad. de Cécile Wajsbrot). Je n’ai pas lu Hyperobjets : philosophie et écologie après la fin du monde (2018), qui doit être plus proche encore de mes préoccupations. Une autre et très féconde lecture : Tchernobyl herbarium, collaboration entre le philosophe Michael Marder et la photographe Anaïs Tondeur, Editions Mimésis. Superbe livre : textes aigus sur la chose nucléaire, et “rayogrammes” créés par “l’empreinte directe de spécimens” de plantes irradiées dans la Zone d’exclusion de Tchernobyl : 24 x 36, niveau de radiations : 1.7 Microsieverts. Et la légende précise systématiquement : “en cours”, car cela ne cesse pas de se passer. Que signifient les ruines de Tchernobyl ? Les plantes aident à penser cette réalité, qui est pour moi un exemple de cet “hyperobjet” qu’évoque par ailleurs T. Morton.

Silence, ça va sans dire

Un bien long silence de ma part. De longs mois, oui, que j’ai consacrés aux relectures, modifications, voire réécritures partielles des Approches de Dâh, entre autres chantiers. Je m’approche donc du manuscrit achevé et de la recherche d’un éditeur. En attendant, l’auteur Christophe Macquet va sortir de sa réserve pour offrir une lecture publique le 17 septembre 2023 à la Cave Poésie de Toulouse (71, rue du Taur). Le fait est remarquable, je m’en réjouis, puisque j’irai l’écouter et le rencontrer in flesh and bones.

Et un bonheur n’arrivant jamais seul, il sera précédé de la rencontre d’Ana Tot avec la compagnie Vendaval. Deux motifs légitimes de foncer à la Cave Po’.

Festival Fukushima

Je relaie l’information de ce projet auquel je participe :

” Cette année marque la 10eme édition de la grande parade musicale Bon Odori.
Otomo Yoshihide et Ryoichi Wago sont à l’initiative de ce festival voulu comme un geste de pure sauvegarde après la catastrophe nucléaire de 2011.
La population et toutes les bonnes volontés sont invitées à célébrer les chemins, et maintenir cette célébration à travers l’épreuve d’un temps inhumain. “

En écoute, une sélection des contributions du projet ET PENDANT CE TEMPS LÀ, À FUKUSHIMA: Ryoko Sekiguchi, Cristian Vogel, Frédéric Mathevet, Masateru Kawakami, Emmanuelle Gibello, François Berchenko, Elisabeth Valetti, Michel Titin-Schnaider, Dan Charles Dahan, Aurélie Lierman, Carl Stone, Dragos Tara, Fred Sonix, Christine Webster, Roxanne Turcotte, Yan Breuleux, Gaël Segalen, Heike Fiedler, Emmanuel Mieville & Patrice Cazelles, Cal Lyall, Lionel Marchetti, Eric Cordier, Julia Drouhin, Joachim Montessuis, Ayako Sato, Tomoko Momiyama, David Christoffel, Bérangère Maximin, Furukawa Hideo, Julien Blaine, Richard Pinhas, Kenji Kojima, Yoko Higashi, Rodolphe Alexis, Yasuaki Shimizu, Salvatore Puglia & Philippe Poirier, Aurélien Chouzenoux, Maïa Barouh, Sébastien Job, Monsieur Viande, Céline Perier, Ludovic Bernhardt & Bruno Lecat, Janusz Brudniewicz…

C’est ici : http://synradio.fr/emission-speciale-festival-fukushima-12-aout-2023/?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=Festival+Fukushima%21++sur+webSYNradio&sender_ctype=email&sender_campaign=ejBnQ4&sender_customer=Yvw0Go9

Les Ecrivants

réuni·es au Couvent de La Tourette en mai 2023

ont réuni quelques traces écrites dans ce recueil de 64 pages hors commerce

On y lira des textes sur la Chine, une fiction sur le théâtre, une scène fantôme, une photographie, une enquête à Lakewood (USA), un poème schizé, un archipel et son portulan

Pour le commander : ICI (collaborations / textes /mai 2023) ou m’écrire depuis le site

A votre insu

le chaudron du sorcier bout…

En préparation : Les Approches de Dâh, dans la nuit khmère, de Christophe Macquet : projet entamé il y a plus d’un an, encore visible sur la page dédiée, jusqu’à parution du livre. Long ahan de quelque 400 poinçons, que je réunis dans un livre.


En cours d’écriture : le workshop ” De la littérature comme un art nucléaire“, sur D-Fiction. Le dernier texte paru interroge les rapports entre fiction littéraire et physique nucléaire, croisant un texte visionnaire d’H.G. Wells et le physicien Szilárd, à l’origine de la réaction en chaîne dans un labo de Chicago. Laissez-vous irradier, et ce n’est pas fini.


D’autres fers chauffent à côté du chaudron : à suivre.

Comanche, de Caroline Diaz

Le titre : un Indien d’Amérique, loin de moi, un rêve d’enfant. Je découvrirai qu’il s’agit d’un autre Comanche. J’aime ce titre, sa typographie colorée sur la photographie en noir et blanc d’un pilote d’avion, harnaché, se reposant dans l’ombre prodiguée par un énorme moteur à hélice. Le pilote semble considérer ce titre, et, au-dessus, le nom de l’autrice – heureux augure.

Comanche est une enquête, de celles qui occupent pleinement : retrouver un disparu. Enquête d’autant plus ardue que l’absent est mort : écrire, c’est faire pièce à l’oubli et à l’absence. Comanche est le récit d’une hantise (“Tu n’en finis pas de revenir dans le silence obscur.“) de la figure paternelle ; au terme du récit, la hantise est domestiquée, car c’est bien ce père qui revient à la maison, qui retrouve sa place.

Il faut lever bien des obstacles pour entreprendre un tel récit. C. Diaz a fait le choix de l’intimité, du tu dans ce que l’on lit et écoute comme un dialogue, où le père répond, mais à un autre niveau. Il n’est pas question de fiction non plus, elle serait un voile inutile.

La justesse du ton, la retenue, m’ont séduit. Caroline Diaz invite le lecteur à la suivre ; les chapitres ne sont pas numérotés, on les lit dans leur apparition sur la page blanche, comme un souvenir ressurgi, qui donne chaque fois davantage de consistance à l’évocation. La trame est aérienne, la construction invisible, je voyage de Paris à Alger, de la Corse au Canada, espaces d’ailleurs circonstanciels. Car l’essentiel n’est pas là, bien sûr. Il réside dans la somme des rencontres et retrouvailles, des photographies et bouts de film, des traces manuscrites, ces dentelles fragiles transfigurées par l’écriture, dont Caroline Diaz pare amoureusement le père retrouvé.

https://lesheurescreuses.net/

Sur Bookelis

Protocole Quap de Wells

est mon 4e texte publié sur D-FICTION

Herbert Georges Wells est l’inventeur de l’expression ” bombe atomique” ; son roman ” La destruction libératrice” a inspiré le physicien hongrois Leo Szilárd, qui permettra au scientifique de mettre au point la réaction en chaîne nucléaire.

Je poursuis cette enquête qui vise à mesurer l’impact du phénomène nucléaire sur l’imaginaire littéraire, pour découvrir, avec ce “Protocole Quap de Wells”, que c’est l’inverse qui est parfois vrai : c’est la littérature qui est première et qui traverse la science.