Bleu de Prusse

Notes sur un manuscrit en cours

Le livre sur la lignée paternelle, qui depuis longtemps s’écrit, a pris la couleur du bleu de Prusse : bleu sombre, bleu-vert. L’analogie visuelle entre l’arbre photographié dans le désert algérien par mon père vers 1960 et le champignon atomique naissant, que je me figure être celui de l’opération Gerboise bleue du 13 février 1960, m’ont poussé à réaliser ce cyanotype. Outre l’analogie visuelle dans la forme, référentielle dans le sème végétal, il y a la concomitance dans le temps (1960) et l’espace (le Sahara) de deux évènements qui semblent disjoints, mais qui ne le sont pas. La présence d’un père engagé volontaire dans la Marine, envoyé malgré lui sur terre dans le sud algérien ; le premier tir nucléaire français à Reggane. Affaire militaire, belliqueuse, insensée.

La disproportion apparente d’un cliché amateur qui ne photographie pas la guerre et l’entrée de la France dans le club des puissances nucléaires est ramenée aux proportions d’une diapositive dont j’ai cyanotypé le négatif – inversion du noir et du blanc, puis insolation de ce négatif – pour parvenir à ce petit champ de bataille visuel. En creux, en négatif si l’on veut, c’est à la fois le silence sur la guerre d’Algérie, l’occupation militaire, la stratégie nucléaire, ses retombées.

Six décades après cette conjonction d’évènements, ils déflagrent. L’œil accommodera pour voir, dans la brume bleue, comme une hantise.


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Réponse

  1. Avatar de Christine Maillard

    Ca donne envie.. et pourquoi le bleu de Prusse?

    J’aime

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