Passer des seuils : tu as l’impression de ne faire que cela. Ceux qui s’imposent, ceux qui se cherchent. Ces seuils ne bornent pas seulement l’espace intérieur, ils scandent aussi un temps qui ne passe autrement que par ta perception de trémulations, de microchangements qui se cachent, dont tu ne t’aperçois qu’après-coup, dans ce qui n’est pas un retard mais une manifestation du même évènement en deux points séparés – le passage de ce seuil invisible et la conscience de ce passages sont intriqués, sans doute simultanés ; mais ta conscience lente ne réalise l’évènement qu’une fois celui-ci achevé, dans son incomplétude même – inconsciemment, tu perçois un rebond – ver d’oreille, fulgurance, symptôme, rêve ; il revient et frappe comme le Poltergeist évoqué par Henri Michaux, c’est l’insubordination-même de ton désir.
Ces microséismes se déguisent en eux-mêmes, veulent d’abord passer, se poussant du col, et passer pour ce qu’ils sont, jetant ainsi le trouble. Un évènement superposé à lui-même, infixable – tu ne peux le voir dans les yeux sans qu’il détale – il faut donc de la patience. Désintriquer, délier, même momentanément, pour espérer avoir une prise, un semblant de prise – il n’y aurait pas de petit seuil ? mais des épreuves, des bouleversements qui passent outre une idée arrêtée du monde.
La sismographie des espaces intérieurs est micrométrique. Pas pour les gens pressés, qui fuient dans un haussement d’épaule. Ce sont des grands combats qu’elle capte les ondes, de ceux menés dans le dénuement. Vie d’avant et vie d’après ne sont pas à prendre à la lettre, mais comme les seuils d’une phase aiguë de combat.
Toutes les expériences sont là : dans le temps nul et l’espace ouvert. Réveillé par un son, un parfum, un geste, une intonation, un mot : tu plonges dans une perception océanique d’expériences aimantées les unes aux autres, et qui finissent par s’unir. Alors, gare. Gare aux périlleux à peu près, aux analogies boiteuses.

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