NOTES DE LECTURE
Un inédit de Georges Perec, rien moins, vient d’être publié aux éditions du nouvel Attila. Il s’agit de La Machine, fruit de la collaboration entre Georges Perec et et son traducteur allemand des Choses et de La Disparition, Eugen Helmlé. À l’initiative de Valentin Decoppet, auteur et traducteur, et de Camille Bloomfield, poète et traductrice, La Machine est accessible aux lecteurs français.

De quoi s’agit-il ? D’un texte de commande de la radio sarroise, qui demande à Eugen Helmlé un texte sortant des sentiers battus. Ce dernier s’adresse immédiatement à Georges Perec, dans une lettre de février 67. Helmlé évoque « quelque chose fait avec et dans la langue. La langue elle-même doit devenir l’actrice principale de la pièce. » Pièce radiophonique s’entend, ou Hörspiel, média très en vogue après la Seconde Guerre mondiale, dans une Allemagne occupée par les Alliés qui ont réduit les moyens de production cinématographique, mais en offrant à chaque Land (un État fédéré) sa propre station de radio.

Texte de commande (l’expression est savoureuse, vous verrez) qui vaut à Perec d’être coopté à l’Oulipo en 67. L’Oulipo, c’est L’Ouvroir de Littérature Potentielle, fondé en 1960 par Raymond Queneau et le mathématicien François Le Lionnais. Le projet oulipien, grâce à l’emploi de contraintes mathématiques, permet le renouvellement de l’approche littéraire, une réflexion créative sur la langue.

Perec choisit un poème de Goethe, Le Chant du promeneur, pour sa brièveté et pour sa renommée – c’est peut-être le poème le plus connu en Allemagne – poème qu’il soumet à la machine, un ordinateur dernier cri (en 67). C’est peu de dire que Perec va respecter le cahier des charges proposé par Helmlé : la lecture de La Machine soulève pour le lecteur le capot de l’ordinateur, autant qu’il donne à voir les processus créatifs : on voit agir à plein la fonction poétique.
Voici le poème de Goethe en allemand, suivi de sa traduction en français telle qu’elle apparaît dans La Machine :
Wandrers Nachtlied
Über allen Gipfeln
Ist Ruh,
In allen Wipfeln
Spürest du
Kaum einen Hauch ;
Die Vögelein schweigen im Walde.
Warte nur, balde
Ruhest du auch.
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Traduction de Valentin Decoppet
sur toutes les crêtes
la paix,
sur tous les faîtes
tu sentirais
un souffle à peine ;
en forêt se taisent les oiseaux,
attends donc, bientôt
tu te tairas de même.

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