334. L’un de mes empêchements d’écrire : un vouloir-écrire trop condensé (l’osmazôme de Huysmans, pour mon malheur : En un mot, le poème en prose représentait, pour des Esseintes, le suc concret, l’osmazôme de la littérature, l’huile essentielle de l’art. – J.-K. Huysmans, À rebours.) Ai beau me sermonner ; c’est ma pente naturelle contre laquelle je lutte. Un principe de condensation (que j’admire chez Char), qui me fait toujours penser à une minuscule orogenèse. Eliminer les mots, ne garder que ceux strictement nécessaires à l’étincelle. Voilà aussi pourquoi il y a dans ces poinçons, à rebours, une forme d’abandon, contraire à la densité nucléaire que je recherche (en espérant l’avoir un peu effleurée parfois) dans les pages d’Algérie, mais aussi dans les textes déjà écrits. Au fond, un principe d’économie linguistique, visant à la fusion nucléaire des mots, pour en espérer, la masse critique atteinte, une déflagration. Je ne sais. Des intentions qui président à l’écriture, que reste-t-il, une fois le texte lâché ? Ce que le lecteur en fera. Il existe aussi une manière de réaction en chaîne, pour continuer à filer la métaphore : les lecteurs qui refont lecture (podcasts), les articles qui paraissent ici et là. De cet empêchement, bien qu’il soit extrêmement contraignant et me force à avancer millimétriquement, je ne veux pourtant me départir : c’est la façon que je connais le mieux. Par chance, la fréquentation d’autres auteurs, la pratique d’autres arts de faire me fait parfois quitter la sente obsessionnelle de mots toujours polissables. Je relis quelques vers des Feuillets d’Hypnos, dans Fureur et mystère de Char.
57 La source est roc et la langue est tranchée
335. Hanté par un démon inflexible : les Feuillets du Résistant Hypnos/Capitaine Alexandre (René Char), écrits dans l’urgence du combat. Ou les impérieuses Lettres à un jeune poète de Rilke. Ou…
Daemon qui me fait jeter sur ce que j’écris un regard sévère, propre à décourager.
(crédit photo “File:France – Charente – Echoisy – Alambic Charentais.jpg”par Zewan est sous licence CC BY-SA 3.0)
De mon côté, le trop condensé est inextricablement lié au pas assez (re)travaillé, mêlé du désir d’être comprise à demi-mots, qui en fait est un fantasme de l’avant-mot.
Oui…l’avant-mot, le hors-langue, ça me travaille…